Nous avons mûrement réfléchi : Solène entamera le cycle primaire de sa scolarité en classe de langage pour enfants dysphasiques. Nous avons choisi l’enseignement spécialisé, en toute liberté, simplement parce que cette solution nous apparaît comme étant la meilleure, pour le moment. Loin de nous, l’idée de baisser les bras, d’abandonner le combat ou de choisir la facilité, bien au contraire, nous reconnaissons les difficultés (« dysfficultés ») de Solène.
La stimulation précoce était notre credo, nous y avons consacré beaucoup d’énergie et imposé un rythme thérapeutique très (trop ?) soutenu. Solène vient de fêter ses 6 ans, un cap ! Que de progrès réalisés ! Elle manifeste sa volonté d’entrer dans les apprentissages. L’inscrire à l’école primaire, c’est y répondre favorablement, c'est encourager son envie de progresser, tout en veillant à adapter ce qui doit l’être. Solène a conscience de sa différence même si elle ne l’exprime pas encore clairement. Elle sait qu’elle est parfois maladroite, distraite, agitée, qu’elle ne parvient pas toujours à « dire » ou à « faire » ce qu’elle voudrait. Les enfants de son âge se chargent aussi de lui faire remarquer. Il nous paraît important de veiller à ce qu’elle développe une image positive d’elle-même en lui évitant la pression du système scolaire traditionnel qui impose un rythme trop rapide. Pour se construire, elle doit avoir confiance en elle et se sentir valorisée. Il semble que le projet de l’école corresponde, sur ce plan, à nos attentes.
Au niveau des apprentissages de base (lecture, calcul, écriture), nous allons nous approprier les techniques qui fonctionnent (alphas, méthode Ledan) et continuerons, pas à pas, l’apprentissage du clavier pour contourner la dysgraphie. La logopède restera notre alliée pour le soutien scolaire.
Vu sous l’angle positif, l’existence d’un enseignement spécialisé est rassurante, c’est un lieu où la différence est acceptée, comprise et prise en charge. C’est, en quelque sorte, une « chance ».
Sous l’angle habituel, il faut admettre que l’enseignement spécialisé véhicule une image sombre pour la plupart des gens. Voici, d’ailleurs, ce que j’écrivais au mois de février dernier :
Après lecture de l'article n° 248 du site AlterEchos, Aurore D'Haeyer, 2008, intitulé "Faut-il supprimer l'enseignement de type 8 ?", je suis confortée dans le malaise que j'éprouve par rapport au choix qui se pose à nous, parents d'une petite fille de 5 ans et demi, souffrant de multiples troubles d'apprentissage. Solène est suivie et stimulée depuis son plus jeune âge pour "retard de développement" qui semble mener vers un diagnostic multi-dys (tdah, dysphasie, dyspraxie). Solène a un QI préservé. Malgré ce potentiel et ses capacités, Solène est en difficultés dans sa classe de 3e maternelle. Elle ne peut pas travailler de manière autonome : il faut la recentrer (troubles de fonctions exécutives). Solène a déjà un réflexe de repli parce que, selon nous, elle vit mal ses échecs (en graphisme par exemple). Elle a terriblement besoin d'être valorisée, encouragée, etc ...
[…]
L'équilibre et la qualité de vie font partie de nos valeurs. La perspective d'un combat quotidien pour les devoirs, vivre un décrochage nous effrayent au plus haut point ... Alors, l'enseignement spécialisé, le type 8, en particulier constitue-il la meilleure solution ? En théorie, peut-être mais en pratique, je redoute ce qui est mentionné dans l'article et qui n'est d'ailleurs, un secret pour personne : " la présence en type 8 est fortement corrélée au milieu socio-économique des parents. En Wallonie, 88% des enfants inscrits en type 8 proviennent de « milieux ouvriers ou sans emploi », un pourcentage légèrement inférieur à Bruxelles (75%). Par ailleurs, la surreprésentation des élèves de nationalités étrangères est manifeste.". Ma fille est fragile et encore très jeune. Je lis : l’âge moyen d’entrée en type 8 se situe entre neuf et dix ans, la majorité des enfants ayant déjà au moins une année de retard dans leur cursus, ce qui veut dire qu'elle ne sera pas entourée d'enfants de son âge ... D'autres parents qui ont dû franchir la porte de l'enseignement spécialisé pour leur enfant ont ressenti cette aversion, […]. Une perspective angoissante !
Envisager l’enseignement spécialisé dans une société qui valorise les performances, c’est vécu comme une épreuve psychologique (un deuil) qui renforce le sentiment de mise à l’écart. Par défaut, et par dépit, le premier réflexe, c’est le rejet. L’enseignement spécialisé ? Le plus tard possible ou, à la rigueur, via un projet d’intégration.
Il y a cette peur de l’inconnu, la peur des « autres ». On s’attache à la face visible et aux apparences. On s’inquiète des mauvaises influences que l’enfant pourrait subir. Notre tâche éducative, déjà si laborieuse, pourrait se compliquer. Parviendra-t-on à garder le contrôle, à inculquer nos valeurs de base comme la politesse et le respect ?
Et puis, vient l’apaisement … Une classe de langage pour enfants dysphasiques, c’est une classe, comme toutes les classes, avec un tableau noir, des affichettes sur lesquelles figurent les lettres de l’alphabet, des pupitres, une dizaine d’enfants dirigés par une institutrice qui enseigne patiemment sa matière.
Nous sommes confiants.
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